La société actuelle octroie une place galopante au regard des autres.
Et lui accorder plus de place qu’il n’en faut est comme signer un pacte avec le diable.
1. Pour le meilleur et pour le pire
Si le regard des autres est parfois fondateur dans la construction d’une personnalité et de la confiance, il est plus souvent dévastateur.
Jamais la société n’a autant valorisé l’intrusion de l’autre dans la sphère privée.
Depuis la naissance d’Internet, et plus particulièrement des réseaux sociaux, c’est comme si vous ouvriez chaque jour un peu plus grand les portes de votre maison à de parfaits inconnus.
Des inconnus de tous horizons, et quelque soient leurs valeurs, deviennent les invités légitimes pour juger vos moindres des faits et gestes.
Ainsi, les adolescents se construisent avec la certitude qu’ils ne pourront pas être reconnus sans être vus.
Le nombre de likes du dernier post sur les réseaux sociaux façonne ou ébranle l’estime de soi en moins de temps qu’il ne faut pour liker.
Il s’agit de rechercher à tout prix l’approbation sur les réseaux sociaux pour exister légitimement.
L’individu construit inconsciemment “l’image du soi” au travers de ce que pensent des inconnus capables d’anéantir en une phrase le fragile édifice de la confiance.
Et cette tendance n’est pas réservée aux seuls adolescents.
En tant une professionnelle de l’accompagnement, je ne compte plus le nombre de séances centrées sur la difficulté à “être soi” sans peur du jugement d’autrui.
Le regard des autres prend la même place que le GPS en voiture.
Ce “GPS du jugement” guide les décisions et les comportements.
Il annule du même coup la possibilité de prendre des chemins de traverse à la découverte de soi.
Et il devient de plus en plus difficile de s’en remettre à son intuition, et à son propre jugement.
2. Tout au long de votre vie ?
Enfant déjà, l’épreuve du bulletin de notes peut aller jusqu’à miner les capacités futures, et orienter certains traits de personnalité.
Qui n’a jamais regretté de laisser tomber une matière scolaire, suite à quelques notes dévastatrices d’un professeur mal luné ?
Les difficultés à s’exprimer en public viennent parfois de loin…
Chacun a connu un adulte qui prononce un jugement comme une sentence éternelle.
Comme ce professeur ahuri qui scande devant toute la classe , “Zéro sur vingt ! devoir nul, vous finirez éboueur !”
Et cette petite phrase assassine pour vous (comme pour le brave éboueur), fait l’effet d’une bombe à retardement sur la perception de vous-même.
En fait, vous n’aviez simplement pas la possibilité de vous intéresser au cours, faute de pédagogie adaptée.
Ou vous étiez anéanti(e) par le mortel ennui d’un cours insipide dans un anglais douteux, (une subtilité que vous découvrez adulte).
Plus tard, à la faveur d’une situation, vous vous rendez-compte que finalement, NON, vous n’étiez pas nul(le).
Vous parvenez à découvrir des compétences et un intérêt insoupçonnés pour la matière détestée.
Ainsi, vous décidez de vous relancer dans l’apprentissage de l’anglais pour préparer votre prochain voyage.
Et ce voyage est une chance, car tout le monde ne rencontre pas l’opportunité de se défaire du jugement d’autrui.
Les notes à l’école ne représentent rien de ce que vous étiez.
Elles étaient tout au plus une photographie subjective et instantanée d’une réalisation, dans un domaine spécifique, sans importance capitale pour votre avenir.
Adulte, ces notes qui vous faisaient vaciller sont comme la place accordée aux jugements des autres.
Un jugement que vous prenez pour argent comptant.
Des phrases qui mènent à de fausses interprétations.
Des avis extérieurs qui ne devraient pas vous définir ou vous éloigner de vos choix.
Les travers du bulletin de notes s’étendent à toutes les sphères de la vie : professionnelle et intime.
3. Jusqu’à ce que la mort vous sépare ?
Le monde professionnel n’est pas en reste pour déstabiliser la confiance en soi.
Avec le culte de la performance et de la compétitivité, chaque emploi est une occasion de plus de faire écho à cette vieille croyance que vous n’êtes pas à la hauteur.
L’apparence physique, elle aussi, subit de plein fouet les normes autrefois imposées majoritairement par la mode.
Aujourd’hui, ces normes et tendances pour atteindre la version idéale (et factice) de vous-même sont distillées par les influenceurs à coup de publicités immanquables dans votre fil d’actualité sur le Net.
Et si par malheur vous avez fait des réseaux sociaux votre animal de compagnie, vous embarquez le jugement des autres H-24 jusque dans votre intimité.
Pourtant vous avez le pouvoir de décider qui sont vos invités pour fêter votre anniversaire n’est-ce pas ?
Il en va de même pour choisir de stopper net toute intrusion inutile dans votre vie, susceptible d’anéantir votre capacité de jugement.
4. Le divorce a du bon !
Plutôt que de se morfondre dans une confiance en soi piétinée par ce satané regard des autres, pourquoi ne pas redéfinir votre espace vital ?
Cet espace, c’est celui qui vous permet de vous détacher de ce que pensent les autres.
En effet, qui sont ces autres pour vous juger ?
Ni plus ni moins que d’autres individus, tout aussi uniques que vous-même.
Pourquoi accorder de l’importance à un point de vue qui n’a pas plus de valeur que le vôtre ?
Vous avez le pouvoir de choisir à qui vous souhaitez accorder du crédit, en vous questionnant sur les raisons objectives qui vous poussent à le faire.
Tout en gardant la possibilité de réinterroger chaque point de vue, chaque jugement, chaque certitude.
Il n’existe pas une seule vérité, car tout dépend de quelle fenêtre vous regardez le monde.
Et il y a autant de fenêtres que d’individus.
En clair, le monde entier peut avoir son mot à dire sur vous, sur tout, et chaque jugement n’est une vérité que pour celui qu’il l’énonce.
Ne plus subir le regard des autres suppose de divorcer de quelques mauvaises habitudes.
- Prenez conscience que vous ne valez pas moins que celui qui se permet de vous juger
- Réalisez que l’immense majorité de vos suppositions sur ce que pensent les autres sont erronées
- Concentrez votre attention sur vos savoirs faire et comment en acquérir de nouveaux
- Soyez réaliste : personne n’est en droit d’attendre que vous soyez ou deveniez quelqu’un d’autre
- Relativisez : une personne qui juge un peu vite a souvent quelques soucis d’estime de soi
- Faites le tri dans vos relations
- Soyez clément avec vous-même : la perfection n’existe que dans les yeux de ce celui ou de celle qui la nomme
- Quittez cette fâcheuse habitude d’exposer votre vie personnelle sur les réseaux
- Accordez-vous la possibilité d’être fier(e) de ce que vous avez accompli.
- Faites-vous aider si vous en ressentez le besoin
Commencer à vivre, c’est apprendre à se découvrir et à s’accepter sans considération pour le regard d’autrui
